Résumé :
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Dans les bourgs et villages du sud-ouest, où usines, commerces et services publics ferment les uns après les autres, des jeunes réinventent des pratiques comme le tuning, qui suscitent généralement un intérêt bien moindre que les cultures urbaines de rues. Objet de répression policière et de mépris médiatique, ce monde de l’art populaire automobile exprime une double fierté de classe et d’autochtonie (redoublée d’une fierté nationale), souvent contre Bruxelles et Paris, contre l’État et ses agents, contre ceux du dessus mais encore contre les « casoces » et ceux qui passent pour des « profiteurs du système ». En sculptant leurs véhicules, en y ajoutant des symboles plus ou moins explicites, ces jeunes hommes et – plus rarement – femmes revendiquent, en acte et sans mots, leur dignité de travailleur manuel humilié, leur volonté farouche que soit reconnue leur capacité d’agir, leur désir d’égalité, d’indépendance et de liberté. Ils peuvent alors se montrer menaçants ou recourir à l’ironie et à d’autres formes non conventionnelles d’expression et d’action politiques. Reste qu’entre eux, ces sculpteurs populaires d’automobiles se hiérarchisent et s’opposent, de même qu’ils font face à des puissances autrement plus dotées qu’eux. Bien que marginale, la pratique du tuning a notamment contribué localement à l’émergence de certains collectifs du mouvement populaire historique des Gilets jaunes.
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