Résumé :
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Cet article contribue à l’histoire transnationale de l’État social au tournant des années 1970-1980. L’étude de la production et de la réception du rapport tenu pour emblématique de la « lame de fond » néolibérale ayant frappé les États-providence (OCDE, The Welfare State in Crisis, 1981), sert de traceur aux transformations d’espaces transnationaux, mettant aux prises gouvernements, secrétariats internationaux, fractions universitaires, patronales et syndicales. Contre la lecture hâtive et téléologique de ce rapport, l’enquête exhume un projet au long cours d’intégration du social et de l’économique à l’OCDE qui ambitionnait de devenir le « nouveau rapport Beveridge » et d’étendre le « Welfare State ». Cette initiative participe de la croissance du capital informationnel et social du Département des affaires sociales de l’OCDE sur de nouveaux domaines (emploi, environnement, éducation, logement, santé). Les résistances des secteurs économiques, internes et externes à l’OCDE, auxquelles se confronte cette initiative en altèrent le sens et la portée politique. L’article montre que les clivages entre secteurs « économiques » et secteurs « sociaux » traversent aussi bien des Secrétariats internationaux comme l’OCDE que les appareils étatiques nationaux voire les secteurs universitaires et syndicaux qui y interviennent. Ces oppositions duales et asymétriques, déployées de façon homologue sur différentes scènes, ordonnent les rapports de forces et de sens en présence et expliquent l’enfouissement d’initiatives socio-économiques, voire écologiques, à l’OCDE, aussi bien qu’à la Commission européenne ou à l’OIT. L’hégémonie des secteurs économiques, le plus souvent anticipée par les secteurs sociaux, concourt à l’économicisation néolibérale durable de l’État social et écologique.
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